Revirement jurisprudentiel pour les SAS. Dans un arrêt du 15 mars 2023 (pourvoi n°21-18.324), la Cour de cassation décide que la violation des statuts de la SAS, lorsque celle-ci est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, peut désormais être sanctionnée par la nullité. Jusqu’ici ce n’était pas le cas. C’est donc un revirement important de la jurisprudence qui s’applique. Osmose vous explique.
SAS et liberté statutaire
La SAS est une forme de société où la liberté statutaire est la plus importante. Les associés peuvent choisir le mode de direction de la société, l’attribution des pouvoirs, les modalités de révocation du dirigeant… Bref, ils jouissent d’une grande liberté dans la rédaction des statuts. Cette liberté statutaire peut s’avérer dangereuse, car elle est source de déséquilibres. C’est pourquoi il est important de faire appel à un expert-comptable ou à un professionnel du droit pour encadrer leur rédaction et prendre en compte la volonté des associés.
Comme vous le savez, ce sont ces statuts qui fixent les modalités de prise de décisions en interne. Ils déterminent la nécessité ou non de consulter les associés pour statuer sur un fait. Ils fixent les modalités de cette consultation quand elle est nécessaire, ils indiquent également le pouvoir des différents organes, etc.
C’est l’article L.227-9 du Code de commerce qui constitue la disposition essentielle. Il pose à l’alinéa 1 le principe selon lequel les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés. L’alinéa 2 établit la liste de décisions qui doivent être exercées de manière collective.
Que se passe-t-il en cas de violation des statuts ?
Il arrive parfois que les décisions prises par les associés le soient en violation des modalités fixées par les statuts. Alors, que se passe-t-il quand c’est le cas ? Jusqu’à présent, la jurisprudence estimait qu’une décision prise en violation d’une clause statutaire pouvait entraîner une sanction du dirigeant. En revanche, cette décision ne pouvait en aucun cas être annulée. Elle continuait donc à produire ses effets tant qu’une nouvelle délibération des associés ne venait pas l’écraser. La Cour de cassation estimait qu’une décision pouvait être frappée de nullité uniquement lorsqu’elle portait sur une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou résultait de la violation d’une loi relative aux contrats.
SAS et violation des statuts : revirement de jurisprudence
Cependant, dans une affaire récente, les juges de la Cour de cassation sont revenus sur leur position à ce sujet. Selon eux, la loi laisse aux statuts de SAS le soin de déterminer les décisions qui doivent être prises de manière collective. Elle leur laisse également la liberté de fixer les modalités. Par conséquent, les juges de la Cour ont considéré que le respect des règles fixées par les statuts est essentiel, non seulement au bon fonctionnement de la SAS, mais aussi à la sécurité des délibérations qui sont prises.
Par conséquent, si la jurisprudence s’en tenait auparavant à une application stricte de l’article L.227-9 du Code de commerce, la Cour de cassation a reconnu que sa jurisprudence antérieure était limitée quant à la possibilité de sanctionner par la nullité une violation des statuts. L’arrêt du 15 mars 2023 vient donc étendre les nullités de l’article L.227-9 alinéa 4 du Code de commerce.
En revenant sur sa position, la Haute juridiction admet donc que la violation des statuts d’une SAS peut être sanctionnée par la nullité dès lors qu’elle est de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Cette nullité peut être demandée par n’importe quel intéressé. Si le président prend une décision seul dans son coin alors qu’il est censé consulter les associés selon les statuts, la nullité pourra être prononcée. De même, lorsque le respect des règles de majorité ou de quorum lors d’une assemblée n’est pas respecté, la nullité pourra être demandée.
Par son arrêt du 15 mars 2023, la Cour de cassation renforce la portée obligatoire des statuts de la SAS grâce à la sanction de nullité. Elle rappelle que l’organisation de la SAS relève essentiellement de la liberté statutaire. Notons toutefois que la faculté de prononcer la nullité d’une décision revient aux juges. Elle peut être évitée si la situation est régularisée avant que le tribunal ne statue.