Obligations comptables EURL : maîtriser les règles 2025

Diriger une EURL sans connaître ses obligations comptables, c’est un peu comme conduire les yeux fermés : on peut avancer pendant quelques kilomètres, mais tôt ou tard, on finit par percuter un obstacle qu’on aurait pu éviter.

En tant que gérant d’une EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée), vous êtes soumis à des obligations comptables précises qui varient selon la taille et le régime fiscal de votre société. Ces règles ne concernent que vous si vous avez opté pour ce statut juridique spécifique – si vous êtes en micro-entreprise, SASU ou entreprise individuelle, les obligations sont différentes.

Cet article s’adresse exclusivement aux gérants d’EURL, qu’ils soient associés uniques ou dirigeants mandataires. Peu importe que votre chiffre d’affaires soit de 50 000 € ou de plusieurs millions : certaines obligations légales de base sont communes à toutes les EURL, tandis que d’autres dépendent de seuils précis qu’il est crucial de surveiller.

Pourquoi maîtriser ces obligations est-il stratégique ? Parce qu’une méconnaissance des règles peut vous coûter cher : redressements fiscaux, pénalités automatiques, voire sanctions pénales en cas de manquements graves. À l’inverse, une comptabilité maîtrisée vous permet d’optimiser votre fiscalité et de piloter efficacement votre entreprise. Le choix de faire appel à un expert-comptable peut s’avérer déterminant pour sécuriser votre gestion.

Nous détaillerons d’abord vos obligations de base communes à toutes les EURL, puis les spécificités selon votre régime fiscal, ensuite les erreurs qui coûtent cher aux dirigeants, et enfin comment organiser votre gestion comptable pour vous concentrer sur votre développement.

Les fondements de la comptabilité en EURL

Votre statut détermine vos règles comptables

L’EURL est la version unipersonnelle de la SARL (Société à Responsabilité Limitée). En tant que société commerciale, elle est soumise aux obligations comptables du Code de commerce, mais bénéficie d’allégements par rapport aux sociétés pluripersonnelles.

Contrairement à la micro-entreprise qui tient une simple comptabilité de trésorerie, votre EURL doit généralement tenir une comptabilité d’engagement. Cela signifie que vous enregistrez vos opérations dès qu’elles sont juridiquement engagées, indépendamment des flux de trésorerie.

Le compte bancaire professionnel : première obligation

Dès la création de votre EURL, vous devez ouvrir un compte bancaire dédié exclusivement à l’activité de votre société. Cette obligation légale, prévue par l’article L123-24 du Code de commerce, facilite la séparation entre votre patrimoine personnel et celui de votre EURL.

Ce compte servira notamment à déposer votre capital social avant l’immatriculation, puis à centraliser tous les flux financiers de votre société.

Trois régimes comptables possibles selon votre situation

Votre EURL peut bénéficier de différents niveaux d’allégements selon sa taille et son régime fiscal :

Régime micro-entreprise : si l’associé unique est une personne physique gérant l’EURL, et que le chiffre d’affaires ne dépasse pas les seuils micro (actuellement 170 000 € pour le commerce et 70 000 € pour les services).

Régime réel simplifié : pour les EURL dont le CA ne dépasse pas 840 000 € (commerce) ou 254 000 € (services).

Régime réel normal : au-delà de ces seuils ou sur option.

Vos livres comptables obligatoires

Le livre-journal : la chronique de votre EURL

Le livre-journal doit enregistrer chronologiquement tous les mouvements qui affectent le patrimoine de votre EURL. Chaque écriture comptable doit mentionner :

  • La date de l’opération
  • Le numéro de compte concerné selon le plan comptable
  • Le montant au débit et au crédit
  • Un libellé explicite
  • La référence de la pièce justificative

Ce livre ne doit comporter aucun blanc, aucune altération, et doit être tenu sans rature. En pratique, l’utilisation d’un logiciel comptable certifié s’impose pour respecter ces exigences.

Le grand livre : vos comptes organisés

Le grand livre reprend toutes les écritures du livre-journal, mais les classe par numéro de compte. Il vous offre une vision claire de chaque poste : compte clients, fournisseurs, banque, charges, produits, etc.

La règle d’or : la somme des débits doit toujours égaler la somme des crédits. Cet équilibre garantit la cohérence de votre comptabilité.

Le livre d’inventaire : supprimé mais l’inventaire reste

Depuis le 1er janvier 2016, le livre d’inventaire n’est plus obligatoire pour les EURL. Cependant, vous devez toujours réaliser un inventaire physique au moins une fois par an pour contrôler l’existence et la valeur de vos actifs et passifs.

Vos comptes annuels : la photographie financière annuelle

Les trois documents de synthèse

À chaque clôture d’exercice, vous devez établir vos comptes annuels comprenant :

Le bilan comptable : état de votre patrimoine à la date de clôture, présentant vos actifs (ce que possède l’EURL) et passifs (ce qu’elle doit).

Le compte de résultat : récapitulatif de votre activité sur l’exercice, détaillant vos produits et charges pour déterminer votre résultat (bénéfice ou perte).

L’annexe comptable : document explicatif qui complète et précise les informations du bilan et du compte de résultat.

Les allègements pour petites EURL

Votre EURL peut bénéficier de comptes simplifiés si elle ne dépasse pas 2 des 3 seuils suivants :

  • Total bilan : 7,5 millions €
  • Chiffre d’affaires HT : 15 millions €
  • Nombre moyen de salariés : 50

Elle peut même être dispensée d’annexe (régime « micro ») si elle reste sous :

  • Total bilan : 350 000 €
  • Chiffre d’affaires HT : 700 000 €
  • Nombre moyen de salariés : 10

Le dépôt obligatoire au greffe

Vos comptes annuels doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce dans le mois suivant leur approbation par l’associé unique (et au plus tard 7 mois après la clôture). Ce dépôt, gratuit depuis 2019, s’effectue via le guichet unique de l’INPI.

Commissaire aux comptes : quand devient-il obligatoire ?

Les seuils 2025 à surveiller

Attention aux données obsolètes : de nombreux sites mentionnent encore les anciens seuils. Depuis le 1er janvier 2024, un commissaire aux comptes devient obligatoire si votre EURL dépasse 2 des 3 seuils suivants :

  • Chiffre d’affaires HT : 10 millions € (et non plus 8 millions €)
  • Total bilan : 5 millions € (et non plus 4 millions €)
  • Nombre moyen de salariés : 50 (inchangé)

Ces nouveaux seuils, rehaussés de 25 %, donnent plus de marge aux EURL en croissance.

Les cas particuliers à connaître

La nomination d’un CAC est également obligatoire si :

  • Votre EURL contrôle d’autres sociétés et dépasse certains seuils consolidés
  • Votre EURL est une « filiale significative » d’un groupe dépassant les seuils

Un engagement de 6 ans et ses coûts

Une fois nommé, le commissaire aux comptes reste en place 6 exercices complets, même si vous repassez sous les seuils entre temps. Coût annuel : entre 3 000 € et 15 000 € selon la taille de votre EURL.

Vos obligations selon votre régime fiscal

EURL au régime micro-entreprise

Si votre EURL bénéficie du régime micro (gérant personne physique + seuils respectés), vos obligations sont considérablement simplifiées :

  • Comptabilité de trésorerie : vous n’enregistrez que les encaissements et décaissements
  • Pas de TVA sauf dépassement du seuil de franchise (actuellement 91 900 € pour le commerce, 36 800 € pour les services)
  • Déclaration annuelle simplifiée de résultat

EURL au régime réel simplifié

Avantages du régime simplifié :

  • Comptabilité de trésorerie en cours d’année autorisée
  • Régularisation des créances et dettes seulement en fin d’exercice
  • Déclaration de résultat simplifiée (formulaire 2033)
  • TVA annuelle si le chiffre d’affaires ne dépasse pas 1 678 000 € (commerce) ou 508 000 € (services)

EURL au régime réel normal

Obligations renforcées :

  • Comptabilité d’engagement stricte tout au long de l’exercice
  • Déclaration de résultat détaillée (formulaires 2050 à 2059-G)
  • TVA mensuelle obligatoire
  • Télédéclaration obligatoire via EDI-TDFC

Les régimes d’imposition : IR ou IS

Par défaut, votre EURL est imposée à l’impôt sur le revenu (IR) : le résultat est directement imposé dans votre déclaration personnelle.

Option possible pour l’IS : dans certaines conditions, vous pouvez opter pour l’impôt sur les sociétés (taux de 15 % sur les premiers 42 500 €, puis 25 %).

Les erreurs comptables qui coûtent cher aux gérants d’EURL

Erreur n°1 : Confondre les patrimoines

Le piège : Utiliser le compte de l’EURL pour des achats personnels, ou financer l’EURL sur vos deniers personnels sans formalisme.

Les conséquences : Confusion des patrimoines remettant en cause la protection de votre patrimoine personnel, redressements fiscaux, avantages en nature non déclarés.

L’exemple : Vous payez vos vacances avec la carte bancaire de l’EURL. L’administration fiscale peut requalifier cet achat en avantage en nature, générant des cotisations sociales supplémentaires de 45 % du montant.

Erreur n°2 : Négliger les seuils de changement de régime

Le piège : Dépasser les seuils du micro ou du réel simplifié sans adapter votre organisation.

Les conséquences : Changement automatique de régime avec obligations rétroactives, pénalités pour défaut de déclarations, complexification brutale de votre gestion.

La solution : Surveillance mensuelle de vos seuils et anticipation 6 mois avant le dépassement prévisible.

Erreur n°3 : Reporter la saisie comptable

Le piège : Attendre la fin du trimestre pour « faire ses comptes » et rattraper les écritures.

Les conséquences : Vision déformée de votre situation, erreurs de TVA, stress permanent, risque d’oublier des opérations.

L’exemple : En février, vous pensez avoir 20 000 € de trésorerie disponible, mais vous avez oublié de comptabiliser 15 000 € de charges de janvier. Résultat : découvert non anticipé et frais bancaires. Une bonne gestion de la trésorerie évite ces écueils.

Erreur n°4 : Ignorer les nouveaux seuils commissaire aux comptes

Le piège : Appliquer les anciens seuils CAC (8 M€/4 M€/50 salariés) au lieu des nouveaux (10 M€/5 M€/50 salariés).

Les conséquences :

  • Soit nomination inutile d’un CAC (coût de 5 000 à 15 000 €/an pendant 6 ans)
  • Soit défaut de nomination obligatoire (30 000 € d’amende + 2 ans d’emprisonnement)

Erreur n°5 : Mal gérer la rémunération du gérant

Le piège : Se verser des « avances » irrégulières sans respecter le formalisme des rémunérations de gérant.

Les conséquences : Requalification en avantages en nature, redressement URSSAF, remise en cause de la déductibilité fiscale.

La bonne pratique : Fixer votre rémunération par décision écrite et la verser régulièrement.

L’expert-comptable en EURL : indispensable ou optionnel ?

Quand peut-on gérer seul sa comptabilité ?

Profil adapté à l’autonomie :

  • EURL au régime micro ou réel simplifié avec activité peu complexe
  • Moins de 100 opérations comptables par mois
  • Gérant ayant des bases comptables solides ou temps de formation
  • Pas d’opérations spécifiques (stocks, immobilisations, international…)

« Une EURL bien organisée dès le départ évite les complications qui coûtent cher plus tard. » — Élisabeth Albuquerque

Les signaux d’alarme pour externaliser

Il devient urgent de faire appel à un expert-comptable quand :

  • Vous approchez d’un changement de régime fiscal
  • Vous passez plus d’un jour par mois sur votre comptabilité
  • Vous avez des doutes récurrents sur certaines écritures
  • Votre activité génère plus de 150 opérations mensuelles
  • Vous envisagez des investissements importants ou des montages complexes

L’investissement et son retour

Coût moyen d’un expert-comptable pour EURL :

  • Régime micro : 100 à 200 €/mois
  • Réel simplifié : 150 à 400 €/mois
  • Réel normal : 300 à 800 €/mois

ROI de cet investissement :

  • Temps libéré pour le développement commercial
  • Sécurisation fiscale et sociale
  • Optimisations possibles (IS/IR, rémunération dirigeant, etc.)
  • Conseil stratégique sur la croissance

Pour en savoir plus sur combien coûte un expert-comptable, adaptez votre budget selon vos besoins spécifiques.

Optimiser votre organisation comptable

La digitalisation au service de l’efficacité

Automatisez au maximum :

  • Récupération automatique des relevés bancaires
  • Scan et classement numérique des justificatifs
  • Génération automatique des écritures récurrentes
  • Alertes sur les échéances et seuils

Le tableau de bord mensuel du gérant d’EURL

Indicateurs à suivre mensuellement :

  • Evolution du CA par rapport aux seuils de changement de régime
  • Position de trésorerie et prévisions à 3 mois
  • Provisions pour impôts et charges sociales
  • Suivi des créances clients et dettes fournisseurs

Anticiper les évolutions

Préparez votre croissance :

  • 6 mois avant d’atteindre les seuils critiques : renforcez votre organisation
  • Évaluez l’impact d’un commissaire aux comptes sur vos coûts
  • Considérez l’évolution vers d’autres statuts (transformation en SARL, création d’une holding…)
  • Préparez la facturation électronique obligatoire (2026 pour les relations B2B)

Tableau récapitulatif des obligations par régime

Régime EURLSeuils CAComptabilitéLivres obligatoiresComptes annuelsTVACAC
MicroCommerce : 170k€<br>Services : 70k€Trésorerie simplifiéeLivre recettes + registre achatsBilan + Compte résultatFranchise (seuils : 91,9k€/36,8k€)Non
Réel simplifiéCommerce : 840k€<br>Services : 254k€Trésorerie en cours d’annéeLivre-journal + Grand livreBilan + Compte résultat<br>(+ Annexe si > seuils)Annuelle ou trimestrielleSi 2/3 seuils :<br>10M€ CA / 5M€ bilan / 50 sal.
Réel normal> seuils réel simplifiéEngagement stricteLivre-journal + Grand livreBilan + Compte résultat + AnnexeMensuelle obligatoireSi 2/3 seuils :<br>10M€ CA / 5M€ bilan / 50 sal.

Vos actions prioritaires pour sécuriser votre EURL

Immédiatement

  • Vérifiez votre situation actuelle : identifiez votre régime fiscal et vos obligations précises
  • Contrôlez la séparation patrimoniale : auditez vos flux entre comptes personnel et professionnel
  • Calculez votre position par rapport aux seuils 2025 (micro, réel, CAC)
  • Sécurisez vos justificatifs : organisez l’archivage numérique de vos pièces comptables

À court terme (3 mois)

  • Évaluez vos outils : votre logiciel comptable suit-il votre croissance ?
  • Formalisez vos processus : rémunération du gérant, notes de frais, inventaires
  • Anticipez vos échéances : provisions fiscales et sociales, télédéclarations
  • Auditez votre conformité : faites contrôler votre comptabilité par un professionnel

À moyen terme (12 mois)

  • Préparez votre évolution : anticiper le changement de régime ou l’arrivée d’un CAC
  • Optimisez votre fiscalité : évaluez l’option IS vs IR selon votre situation
  • Structurez votre croissance : considérez l’évolution vers une SARL ou une holding
  • Investissez dans vos compétences : formation comptable ou recrutement d’un collaborateur

Optimisation stratégique

Une fois vos obligations maîtrisées, votre comptabilité EURL devient un véritable outil de pilotage. Elle vous permet d’anticiper votre trésorerie, d’optimiser votre fiscalité et de prendre des décisions éclairées sur votre développement.

Les gérants d’EURL qui investissent dans une organisation comptable solide sont ceux qui peuvent saisir les opportunités de croissance sans stress administratif. Ils savent également quand et comment faire évoluer leur structure juridique en fonction de leur développement. Les missions de l’expert-comptable évoluent pour les accompagner dans cette démarche stratégique.

N’oubliez pas : en EURL, vous bénéficiez d’une flexibilité unique entre simplicité de gestion et protection patrimoniale. Votre maîtrise des obligations comptables vous permet de conserver ces avantages tout en optimisant votre situation fiscale et sociale.

L’essentiel est de mettre en place des processus évolutifs et automatisés qui grandiront avec votre EURL, de la microstructure au groupe de sociétés. Car une comptabilité bien organisée aujourd’hui, c’est la liberté d’entreprendre sereinement demain.

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