Lorsqu’un entrepreneur individuel cesse son activité, la question de la saisie de sa résidence principale peut se poser si des créanciers professionnels souhaitent recouvrer leurs dettes. Pourtant, la résidence principale de l’entrepreneur fait l’objet d’une protection particulière puisqu’elle est insaisissable. Alors, ce principe d’insaisissabilité persiste-t-il après la cessation d’activité ? Osmose®, votre expert-comptable en Essonne, a décrypté un récent arrêt de la Cour de cassation pour y répondre.
Résidence principale de l’entrepreneur : un bien à l’abri des poursuites des créanciers
Les entrepreneurs individuels, qu’il s’agisse de commerçants, d’artisans ou de professionnels libéraux, sont protégés des risques inhérents à leur activité en ce qui concerne leur résidence principale. En effet, selon la loi, dès lors que l’entrepreneur est propriétaire de son habitation, celle-ci est insaisissable. Le dispositif d’insaisissabilité des biens immobiliers concernant l’entrepreneur individuel a été créé en 2003 et amélioré en 2015 grâce à la loi Macron du 06/08/2015. Elle prévoit que la résidence principale est insaisissable de droit, c’est-à-dire sans aucune formalité, par les créanciers professionnels. Concernant les autres biens du patrimoine immobilier non professionnel de l’entrepreneur, comme la résidence secondaire, ils peuvent également bénéficier du droit d’insaisissabilité moyennant un acte ou une déclaration notariée. Mais, que se passe-t-il si l’entrepreneur cesse son activité ? L’immeuble constituant la résidence principale reste-t-il insaisissable ?
Protection de la résidence principale de l’entrepreneur : l’ouverture d’une procédure collective change-t-elle la donne ?
Pour répondre à cette question, nous allons nous appuyer sur une décision de justice. Le 5 décembre 2017, un artisan cesse son activité. Il est radié du répertoire des métiers et mis en redressement puis en liquidation judiciaire les 4 septembre et 2 octobre 2018, soit plusieurs mois après sa cessation. Le liquidateur judiciaire demande alors la vente aux enchères de la maison principale de l’artisan, dont il est l’heureux propriétaire avec son épouse.
Conformément à la loi, le couple s’oppose fermement à cette décision puisque leur résidence principale est normalement insaisissable. Mari et femme invoquent donc la protection prévue par l’article L. 526-1 du Code de commerce qui stipule que la résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable par les créanciers professionnels dont les créances sont liées à l’activité professionnelle de l’entrepreneur, c’est-à-dire à son entreprise.
Mais, la cour d’appel rejette leur demande indiquant que l’artisan ayant cessé son activité 9 mois avant la procédure collective, la résidence principale n’est plus protégée par l’insaisissabilité. La Cour de cassation n’est pas de cet avis.
Le logement de l’entrepreneur préservé coûte que coûte
La Cour de cassation annule l’arrêt d’appel. En effet, elle estime que l’insaisissabilité de plein droit subsiste et rappelle que la résidence principale est insaisissable par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle. “En d’autres termes, peu importe si l’entrepreneur n’exerçait plus son activité au moment de la saisie, le domicile du couple reste protégé et ne peut être vendu dans le cadre de la procédure de liquidation, explique Élisabeth Albuquerque, fondatrice et gérante du cabinet d’expertise comptable Osmose®. La résidence principale est un bien hors procédure qui ne peut être vendu pour apurer le passif.”
À noter : il est possible pour un créancier d’engager des poursuites sur la résidence principale de l’entrepreneur individuel uniquement si sa créance ne découle pas de l’activité professionnelle de celui-ci.
Dans un arrêt rendu le 13 décembre 2023, la Cour de cassation censure ainsi la décision de la cour d’appel. Elle rappelle que, selon la loi, la résidence principale de l’entrepreneur individuel reste protégée contre le créancier professionnel, même après la cessation d’activité, tant que les créances sont liées à l’activité professionnelle.
Bon à savoir : l’insaisissabilité de la résidence principale ne s’applique pas si l’administration fiscale remarque :
- des manœuvres frauduleuses de la part de l’entrepreneur comme des dissimulations d’achats ou de ventes ;
- des obligations fiscales non respectées.
Cet arrêt réaffirme une règle essentielle pour les entrepreneurs individuels. Grâce au dispositif d’insaisissabilité, l’entrepreneur individuel peut mettre son logement à l’abri, tout en étant dispensé, le cas échéant, de payer entièrement ses créanciers professionnels. En effet, la cessation d’activité ne remet pas en cause la protection de la résidence principale si les dettes concernées proviennent de l’exercice de l’activité. En revanche, un créancier pourra tout de même engager des poursuites sur la résidence principale de l’entrepreneur à condition que la créance ne résulte pas de l’activité professionnelle.