L’égalité entre les femmes et les hommes ? Tout le monde s’en réclame, surtout le 8 mars, lors de la Journée internationale des droits des femmes. Les posts LinkedIn pleuvent, les photos de femmes souriantes en tailleur s’alignent, les discours officiels s’enchaînent. Mais une fois les hashtags rangés, que reste-t-il sur le terrain ? Un sujet complexe, exigeant, et encore loin d’être résolu.
L’égalité professionnelle : une obligation légale ancienne… mais enfin mesurable
En théorie, le principe d’égalité salariale entre les sexes est inscrit dans la loi depuis 1972. Mais il aura fallu attendre plusieurs décennies pour que les entreprises soient réellement incitées à mesurer et corriger les écarts.
C’est ce que vise la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » : depuis cette date, les entreprises de plus de 50 salariés doivent publier chaque année un Index de l’égalité professionnelle.
Cet index, noté sur 100 points, repose sur cinq critères concrets :
L’écart de rémunération femmes-hommes à poste et âge équivalents,
L’écart dans les augmentations individuelles,
L’écart dans les promotions (dans les entreprises de plus de 250 salariés),
La part des salariées augmentées après un congé maternité,
La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Ce dispositif a un double objectif : rendre visible ce qui ne l’était pas (les écarts réels) et imposer un cadre d’amélioration continue.
Bien entendu, la question de la parité s’inscrit aussi dans une réflexion plus large sur le partage de la valeur en entreprise, notamment via les politiques de rémunération, de primes ou d’intéressement.
Index 2024 : des progrès notables, mais une égalité encore de façade dans bien des cas
D’après les données publiées par le ministère du Travail, 77 % des entreprises concernées ont transmis leur Index en 2024, contre 72 % l’année précédente. Une amélioration encourageante en termes de conformité.
La note moyenne est de 88/100, ce qui montre une réelle appropriation du sujet par une majorité d’entreprises. Mais derrière cette moyenne flatteuse, les disparités restent importantes :
Seules 2 % des entreprises atteignent la note maximale de 100,
Et environ 15 % obtiennent une note inférieure à 75, ce qui les oblige à mettre en place un plan de correction, sous peine de sanctions financières (jusqu’à 1 % de la masse salariale annuelle).
Autrement dit : l’égalité progresse, mais trop lentement. Et surtout, elle reste souvent limitée aux obligations formelles, sans toujours s’attaquer aux racines des inégalités.
Loi Rixain : changer la donne dans les organes de décision
Pour accélérer la parité au sommet des organisations, le législateur a adopté un texte majeur : la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021, dite loi Rixain.
Son ambition ? Briser le plafond de verre dans les instances dirigeantes des grandes entreprises, en fixant des quotas de représentation féminine :
30 % de femmes d’ici 2026,
40 % d’ici 2029,
au sein des cadres dirigeants et des instances dirigeantes (comité exécutif, comité de direction, etc.).
Ce texte complète la loi Copé-Zimmermann de 2011, qui imposait déjà un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration. Mais la nouveauté de la loi Rixain réside dans son extension aux fonctions exécutives, là où les décisions stratégiques se prennent au quotidien. C’est donc un levier puissant pour une transformation en profondeur.
Les entreprises concernées devront publier chaque année des indicateurs de suivi. En cas de non-respect des quotas, des sanctions sont prévues. Bref, la parité devient un indicateur de gouvernance, au même titre que la rentabilité ou la performance RSE.
Les chiffres ne mentent pas : la route est encore longue
Si la réglementation progresse, les données de terrain montrent que l’égalité réelle n’est pas encore atteinte. En 2023 :
Les femmes occupaient seulement 22 % des postes de direction dans les entreprises du SBF 120 (source : Observatoire Skema de la mixité).
Dans la fonction publique, l’écart de salaire net en équivalent temps plein reste de 4,3 % en faveur des hommes (source : Insee, 2023).
Ces chiffres reflètent des freins systémiques encore très présents :
Des stéréotypes tenaces sur le leadership au féminin,
Un manque de rôle-modèles visibles,
Et parfois des biais inconscients persistants dans les pratiques de recrutement, d’évaluation et de promotion.
Les obligations légales sont donc nécessaires, mais elles ne suffisent pas à changer les mentalités.
Le rôle stratégique de l’expert-comptable dans tout ça
On ne pense pas spontanément à lui quand on parle égalité professionnelle… Et pourtant, l’expert-comptable a un rôle à jouer, et pas des moindres.
D’abord en tant qu’employeur. À la tête de son cabinet, il est lui aussi soumis à l’obligation de publier un index dès lors que son effectif dépasse 50 personnes. Il est donc acteur de la parité, et pas seulement observateur.
Ensuite en tant que conseil stratégique. Il accompagne ses clients dans :
Le calcul et la publication de l’Index,
L’interprétation des résultats,
La mise en place des plans correctifs,
Et parfois même des audits RH pour mieux comprendre les déséquilibres internes.
Ces missions mêlent conformité légale, vision RH et pilotage des indicateurs sociaux. Autrement dit : tout ce qui donne du sens à la fonction d’expert-comptable aujourd’hui.
Pour aller plus loin, découvrez comment un cabinet d’expertise comptable peut également accompagner les entreprises dans leur démarche RSE, en intégrant des enjeux de diversité et d’inclusion à leur stratégie globale.
Et maintenant, à nous de jouer (avec les bonnes règles)
Non, la parité ne se résume pas à une photo d’équipe marketing avec autant d’hommes que de femmes. Ce n’est pas un symbole : c’est une exigence. Un travail de fond, chiffré, objectivé, intégré dans les processus de décision.
Les outils existent. Les textes sont en place. Ce qu’il faut désormais, c’est un véritable pilotage de la stratégie égalité, comme on pilote un budget ou un plan de croissance. Sans oublier que favoriser la parité fait partie intégrante d’une politique RSE cohérente. Et les raisons d’agir ne manquent pas, tant sur le plan humain qu’économique.
Et ça tombe bien : le pilotage, c’est notre métier.