À quel moment considère-t-on que l’époux commun en biens a renoncé à sa qualité d’associé ?

époux associés

Ce n’est pas parce que l’on partage les biens qu’on partage tout… y compris les parts sociales. Dans les sociétés non cotées, lorsqu’un époux marié sous le régime de la communauté acquiert des parts sociales avec des fonds communs, son conjoint peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié de ces parts. Mais encore faut-il qu’il ne s’en désintéresse pas totalement… car ce droit peut être perdu. Volontairement ou par un silence un peu trop éloquent.

Alors, à partir de quand considère-t-on que le conjoint a renoncé à sa qualité d’associé ? C’est ce que nous allons démêler, sans équivoque.

Le droit de revendication de la qualité d’associé

Selon l’article 1832-2 du Code civil, lorsque des parts sociales (non négociables) sont acquises au moyen de biens communs, seul l’époux acquéreur est reconnu comme associé. Mais son conjoint dispose du droit de revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts.

Ce droit, souvent méconnu ou volontairement ignoré dans les montages familiaux, n’est pas automatique. Le conjoint doit en faire la demande formelle. Il s’agit d’un droit personnel qui peut être exercé à tout moment tant que dure le régime de communauté, mais qui s’éteint si la renonciation est constatée.

La renonciation à la qualité d’associé

Renonciation expresse

Le plus simple, c’est d’être clair : un écrit, daté et signé, indiquant que l’époux renonce à revendiquer sa qualité d’associé. Cette renonciation expresse est définitive. En cas de divorce ou de conflit ultérieur, impossible de revenir en arrière (sauf décision unanime des associés, comme on le verra plus loin).

Renonciation tacite

La situation se complique lorsqu’aucun document n’a été signé. Peut-on considérer que l’époux a renoncé à sa qualité d’associé par son comportement ?

Oui, répond la Cour de cassation, mais à certaines conditions très strictes : la renonciation doit être « sans équivoque » et résulter d’un comportement incompatible avec la volonté de devenir associé. En clair : ne rien dire ne suffit pas. Il faut avoir agi comme quelqu’un qui ne veut vraiment pas être associé.

Ce que dit la jurisprudence

L’arrêt du 12 mars 2025 (Cass. com., n° 23-22.372) apporte une précision utile. Un époux avait notifié à la SARL de son épouse son intention d’être reconnu comme associé pour la moitié des parts. L’épouse, gérante de la société, s’y oppose, prétendant qu’il aurait renoncé tacitement. Motif invoqué : chacun des époux avait créé une société distincte, où l’autre n’était ni associé ni gérant.

La Cour rejette cet argument : le fait que deux époux créent chacun leur entreprise, sans ingérence réciproque, ne prouve pas une renonciation sans équivoque. Elle souligne aussi l’absence de clause d’agrément ou d’accord familial qui aurait pu restreindre la revendication du droit d’associé.

Bref, pour renoncer tacitement, il ne suffit pas d’être discret. Il faut une attitude claire et constante montrant que l’on renonce délibérément à ses droits. Une renonciation passive n’est pas une renonciation tout court.

Les conséquences juridiques de la renonciation

Dès lors qu’elle est acquise, la renonciation – expresse ou tacite – est irrévocable. L’époux ne peut plus se réveiller un matin avec une envie soudaine d’exercer ses droits d’associé. Il est juridiquement exclu de la société.

Il subsiste toutefois une possibilité : l’accord unanime des autres associés. Si tous acceptent, l’époux peut être reconnu comme associé, mais il ne s’agit plus alors d’un droit, mais d’une faveur accordée.

Les bonnes pratiques pour éviter les litiges

Formaliser la renonciation

La sécurité juridique passe par l’écrit. Un acte simple, précis, daté et conservé avec les statuts ou au registre des décisions de la société, suffit à dissiper toute ambiguïté. Ce document pourra être opposé à l’époux en cas de conflit ou de divorce.

Encadrer la situation dans les statuts

Insérer une clause d’agrément obligatoire pour toute nouvelle entrée d’associé – y compris le conjoint – est un réflexe prudent. Cela permet de maîtriser la composition de l’actionnariat et d’anticiper les tensions familiales.

Faire preuve de cohérence dans la gestion des affaires familiales

Une société familiale où l’on partage tout sauf les parts sociales peut rapidement devenir une zone de conflit. Mieux vaut anticiper et clarifier les rôles de chacun, surtout si les investissements sont réalisés avec des biens communs.

Conclusion

Renoncer à devenir associé, quand on y a droit, est une décision lourde de conséquences. Qu’elle soit expresse ou tacite, elle doit être claire, constante, et sans ambiguïté. La jurisprudence le rappelle : le silence ne vaut pas consentement, et la démarche doit être sérieusement établie.

Chez Osmose, on vous aide à rédiger, prévoir, anticiper. Car dans une société, comme dans un couple, ce sont souvent les non-dits qui créent les plus grands remous.

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