Un enregistrement clandestin peut-il être une preuve valable en cas de harcèlement moral ? 

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Le harcèlement moral est un sujet qui fait toujours couler beaucoup d’encre dans le monde du travail. Ce phénomène insidieux peut avoir de lourdes répercussions sur les victimes, affectant leur santé mentale et physique. Dans de tels cas, nombreux sont les salariés cherchant à rassembler des preuves pour appuyer leurs dires. L’enregistrement clandestin peut alors être une idée. Mais, peut-il être considéré comme une preuve valable en cas de harcèlement moral ? Osmose®, votre expert-comptable en Essonne (91), vous aide à y voir plus clair à travers un arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2024. 

Le harcèlement moral au travail : de quoi s’agit-il ? 

Le harcèlement moral est une forme de violence psychologique qui se manifeste à la fois par des comportements, des actes, des paroles voire même des gestes ou des écrits, qui portent atteinte à la dignité d’un salarié. Bien qu’en France le harcèlement moral soit réprimé par le Code du travail et le Code pénal, de nombreux cas existent encore, souligne Élisabeth Albuquerque, fondatrice et gérante du cabinet d’expertise comptable Osmose®. Et pour cause, prouver ces actes peut être très difficile. Il s’agit souvent de comportements répétés, mais subtils, qui peuvent parfois sembler anodins. Les salariés qui subissent du harcèlement disposent bien souvent de peu de moyens pour prouver ce qu’ils endurent.” 

L’idée d’enregistrer l’employeur, le supérieur, ou le collègue peut alors faire son chemin. C’est ce qu’a fait une salariée en temps partiel thérapeutique, touchée, non pas par un licenciement pour motif économique, mais par un licenciement pour faute réelle et sérieuse. Afin de prouver le harcèlement dont elle a été victime pour signer une rupture conventionnelle, elle a enregistré clandestinement son employeur. Cette preuve sera-t-elle valable ? Si jusqu’à récemment, il était fréquent que les enregistrements audio et clandestins soient considérés comme des preuves déloyales, la Cour de cassation en a décidé autrement. 

Un élément d’abord rejeté par les juges du fond

Dans cette affaire, la salariée demandait à ce que son licenciement soit jugé nul. En effet, elle affirmait avoir fait l’objet de pression de la part de son employeur pour accepter une rupture conventionnelle. Afin de prouver ses dires, elle a produit la retranscription d’un enregistrement clandestin d’une conversation entre elle et son employeur. Mais, les juges du fond ont écarté cet élément de preuve, le jugeant contraire au principe de loyauté. 

En effet, en France, la législation sur l’enregistrement clandestin est régie par plusieurs principes fondamentaux notamment la loyauté, le respect de la vie privée, mais aussi la protection des données personnelles. Par conséquent, en cas de contentieux, les preuves doivent être obtenues de manière licite et loyale. Pour autant, une preuve illicite ou déloyale n’est pas nécessairement écartée, et c’est ce que va rappeler la Cour de cassation. 

Enregistrement clandestin et preuve en cas de harcèlement : la position de la Cour de cassation

La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français a statué à plusieurs reprises sur la question de l’enregistrement clandestin. Plusieurs cas ont pu illustrer au fil du temps la complexité de cette question. Dans cette affaire, la Cour de cassation a choisi de ne pas suivre l’argumentation des juges du fond. Dans sa décision du 10 juillet 2024, elle rappelle deux points importants.

L’équilibre entre la preuve et le respect des droits fondamentaux  

Elle rappelle tout d’abord que les juges du fond doivent savoir juger si la preuve apportée, en l’occurrence l’enregistrement clandestin, porte atteinte au caractère équitable de la procédure. Ils doivent évaluer si l’atteinte à la vie privée, par exemple, est proportionnelle à l’intérêt légitime de la victime à prouver le harcèlement moral. Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments qui portent atteinte aux autres droits si : 

  • la preuve apportée est l’unique possibilité pour faire jaillir la vérité ; 
  • l’atteinte est proportionnelle au but poursuivi. 

La preuve ne pèse pas sur les salariés 

Contrairement aux heures supplémentaires où la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur, dans cette affaire, la Cour de cassation rappelle qu’en matière de harcèlement moral, la preuve ne doit pas peser sur le salarié. Celui-ci doit en principe uniquement présenter des faits qui permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral. C’est ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas réels et que sa décision se justifie par des éléments objectifs. Les éléments produits par le salarié doivent être pris en compte dans leur ensemble, chose qui n’a pas été faite ici par les juges du fond. 

L’enregistrement clandestin est-il par conséquent une preuve valable ? 

Si l’on s’en tient à la position de la Cour de cassation dans cette affaire, une preuve déloyale peut bel et bien être utilisée en justice, à condition de respecter les conditions énoncées ci-dessus, à savoir : 

  • l’indispensabilité de la production d’une telle preuve ; 
  • l’équilibre entre l’atteinte de la vie personnelle et le but poursuivi. 

Des conditions qui au passage n’avaient pas été vérifiées par les juges du fond qui avaient simplement jugé que la salariée pouvait utiliser d’autres moyens que l’enregistrement clandestin pour prouver le harcèlement dont elle était victime. En effet, dans une affaire récente (cass. soc. 17 janvier 2024, n° 22-17474 FB), un enregistrement clandestin avait également été utilisé, mais il avait été jugé que cet enregistrement n’était pas indispensable, car il existait d’autres preuves comme un rapport d’enquête pour appuyer les dires du salarié. La preuve avait donc été jugée déloyale, contrairement à cette affaire, qui a été renvoyée devant une autre Cour d’appel chargée d’apprécier la recevabilité de l’enregistrement clandestin. 

En matière de harcèlement moral, il peut être tentant d’enregistrer son harceleur à son insu, pour démontrer l’indémontrable. Même si la jurisprudence reconnaît aujourd’hui la possibilité d’admettre de tels enregistrements comme preuve, leur utilisation reste encore multifacette et implique un équilibre entre respect de la vie privée et droit à la preuve. Vous êtes perdu dans toute cette législation ? Le cabinet Osmose® est présent à vos côtés pour vous éclairer. Appelez-nous.

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