Être dirigeant, c’est faire des choix continuellement. Des choix qui peuvent avoir de lourdes conséquences. Entre la prudence qui peut freiner la croissance, et le risque qui fait avancer l’entreprise, le chef d’entreprise est souvent partagé. Mais, il doit savoir trancher et prendre des décisions qui peuvent être critiquées et jugées par l’administration fiscale. Alors, comment sont appréciés les actes de gestion ? Qu’est-ce qu’une prise de risque disproportionnée ? Focus sur ces solutions de fiscalité audacieuses qui peuvent être requalifiées d’actes anormaux de gestion.
Acte anormal de gestion : de quoi s’agit-il ?
Focus sur la déductibilité des dépenses
Lorsque vous engagez une dépense dans l’intérêt de votre société, vous pouvez la déduire de votre bénéfice imposable… sous certaines conditions. Votre dépense doit respecter des règles de base. Elle doit être enregistrée, documentée grâce à la facture, justifiable, et surtout, elle doit être réalisée dans l’intérêt de l’entreprise. En somme, pour que votre charge soit déductible de vos bénéfices, elle doit être comptabilisée et justifiée (éléments de preuve). “Si vous financez un séminaire pour motiver vos équipes, par exemple, il s’agit bien d’une dépense faite dans le cadre de votre activité et dans son intérêt, précise Élisabeth Albuquerque, fondatrice et gérante du cabinet d’expertise comptable Osmose®. Mais, si ce séminaire se transforme en vacances tous frais payés, avec un agenda ultra léger, l’administration pourrait y voir une dépense anormale.”
L’appréciation de l’administration fiscale
Si le dirigeant est seul juge de l’opportunité de ses dépenses professionnelles, l’administration veille au grain et la normalité des actes de gestion est sous contrôle. Lorsqu’une dépense n’entre pas dans le cadre normal des intérêts de l’entreprise, comme c’est le cas dans notre exemple ci-dessus, elle peut être requalifiée d’acte anormal de gestion. Alors, de quoi s’agit-il ?
L’acte anormal de gestion est une sorte de carton rouge de la fiscalité, qui signifie que vous avez pris une décision qui ne sert pas directement votre entreprise. L’administration fiscale juge que la dépense n’est pas directement en faveur de votre activité et peut alors refuser sa déductibilité.
Les conséquences d’un acte anormal de gestion
En cas d’acte anormal de gestion décidé par l’administration fiscale, plusieurs conséquences sont alors possibles. L’administration peut imposer la réintégration de la dépense dans les résultats imposables de l’entreprise. Elle peut également chercher à déterminer qui a réellement bénéficié des dépenses afin d’appliquer des sanctions. Enfin, elle peut envisager des redressements fiscaux.
Quid des prises de risque du dirigeant ?
Le dirigeant a pourtant une certaine liberté de décision, nous direz-vous, et vous avez parfaitement raison. Il est libre de prendre des décisions de gestion, sans que l’administration ne puisse juger de leur opportunité, à partir du moment où elles servent les intérêts de l’entreprise. Il peut, par exemple, décider d’emprunter pour financer un projet plutôt que d’utiliser ses liquidités. Mais, cette liberté est-elle totale ? L’administration fiscale a-t-elle le pouvoir de s’en mêler ?
Quand le risque devient-il disproportionné ?
L’administration peut en effet être tentée de juger le risque disproportionné. Mais alors, où est la limite entre la prise de risque calculée et la prise de risque disproportionnée ? C’est ici que les choses se compliquent. En théorie, lors de ses contrôles, l’administration peut être tentée de juger certaines opérations comme étant excessives. Par exemple, si vous misez sur un gros projet qui n’aboutit pas, ne pas avoir anticipé l’échec potentiel pourrait vous être reproché. Mais, l’administration intervient quand les résultats sont déjà sur la table. Il est ainsi facile pour elle de juger le risque disproportionné, après coup. C’est pourquoi la jurisprudence sécurise l’entreprise.
Actes de gestion : la jurisprudence à la rescousse du dirigeant
La jurisprudence a donc tenu à clarifier un point : si la prise de risque est jugée excessive, mais que cela génère au final les gains escomptés, les dépenses engagées sont déductibles. De la même manière, si vous avez pris votre décision en toute transparence et pour le bien de votre activité, mais que les résultats escomptés ne sont pas atteints, le juge indique que les dépenses engagées doivent rester déductibles.
En somme, l’administration ne peut pas se prononcer sur le “niveau de risque” que vous décidez de prendre pour faire fructifier votre affaire. Ce serait totalement contraire au principe fondamental de la liberté du chef d’entreprise dans ses choix de gestion. Cette liberté est garantie par le juge (CE 13-7-2016 n°375801). Bien que les dirigeants peuvent parfois prendre des risques pour développer leur activité, l’administration ne peut pas contester une décision en s’appuyant sur le fait que les risques étaient élevés. La jurisprudence protège le droit du dirigeant à décider de sa prise de risques pour améliorer les résultats de son activité. L’administration ne doit pas intervenir dans l’appréciation du niveau de risque pris par le dirigeant, dans un souci de développement.
Pour résumer : si vous décidez d’investir massivement dans une nouvelle technologie, par exemple. Le pari est risqué, certes, le retour sur investissement est faible, mais votre choix est motivé par une vraie perspective de développement. L’administration ne pourra pas vous reprocher d’avoir tenté votre chance. En revanche, si vous investissez dans une activité sans lien direct avec votre entreprise, il pourrait y avoir là acte anormal de gestion.
En conclusion, si l’administration peut se prononcer sur des actes de gestion qu’elle juge non engagés dans l’intérêt de votre activité, elle ne saurait se prononcer sur votre niveau de prise de risque. En tant que dirigeant, vous êtes aux commandes de votre activité. Quand bien même ces risques s’avéraient excessifs a posteriori, ils sont un moteur pour l’entreprise. C’est d’ailleurs souvent grâce aux décisions audacieuses que de grandes réussites voient le jour ! Besoin d’un conseil ? Votre cabinet Osmose® se tient à votre entière disposition. Contactez-nous.