En France, pour mettre fin à un conflit entre employeur et salarié, le droit du travail permet de signer ce qu’on appelle une transaction. Il s’agit d’un accord qui rétablit l’ordre entre les deux parties qui s’engagent à faire des concessions pour mettre fin au conflit et éviter d’aller en justice. La transaction en entreprise est donc synonyme de retour au calme et d’apaisement des tensions. Mais, une fois la transaction signée, est-ce que le salarié peut tout de même engager des poursuites judiciaires sur d’autres faits ? Osmose®, votre expert-comptable en Essonne, vous éclaire.
La transaction en droit du travail : une solution pour mettre fin aux litiges
Conflits au travail : le règlement à l’amiable
Lorsqu’un conflit éclate au travail, entre un salarié et un employeur, le conseil des prud’hommes est l’organe compétent pour y mettre fin. Mais, est-ce un passage obligé ? Pas vraiment. En cas de litige au travail, il est possible d’éviter de saisir la justice et de régler le désaccord à l’amiable. Pour cela, salariés et employeurs peuvent recourir à :
- La médiation conventionnelle : elle permet de régler un litige sans faire appel au conseil de prud’hommes. Ici l’assistance d’un médiateur est obligatoire. Durant la médiation, salarié et employeur peuvent se faire assister d’un avocat.
- La procédure participative : ici employeur et salarié sont assistés de leur avocat respectif pour trouver un accord. Ils concluent une convention de procédure participative écrite qui fixe la durée durant laquelle les deux parties s’engagent à trouver une solution amiable à leur différend.
- La transaction en enteprise : c’est l’option choisie dans notre affaire, celle qui nous intéresse.
Focus sur l’option transaction en entreprise
La transaction est un accord entre salarié et employeur, qui met fin au litige sans attendre un jugement. Elle est établie sous la forme d’un contrat rédigé et signé par les deux parties. La transaction est un outil très courant utilisé pour résoudre les conflits sans passer par la case tribunal. Elle est régie par l’article 2044 du Code civil qui indique que les parties peuvent s’accorder grâce à la transaction en échange de concessions réciproques. En d’autres termes, pour mettre fin au conflit qui les oppose, employeur et salarié trouvent un terrain d’entente, chacun acceptant de faire un ou des compromis, dans le but d’éviter d’aller en justice.
Bon à savoir : “Très souvent, la transaction intervient en cas de rupture d’un contrat de travail, explique Élisabeth Albuquerque, fondatrice et gérante du cabinet d’expertise comptable Osmose®. Par exemple, pour qu’un licenciement ne soit pas contesté, l’employeur verse une indemnité au salarié. Mais, il arrive que même durant la durée de la relation de travail, une transaction soit signée. C’est d’ailleurs le cas dans cette affaire.”
Un conflit qui se solde par une transaction
En entreprise, les litiges sont monnaie courante : des indemnités repas comme c’est le cas ici, aux heures supplémentaires, en passant par les conditions de travail, tout est possible. Dans cette affaire, le salarié, un chauffeur toujours en poste, réclamait à son employeur le remboursement de frais de repas ainsi que des dommages et intérêts. Il avait donc saisi le conseil des prud’hommes. Mais, cela était sans compter sur l’intérêt de la transaction. Pour éviter d’aller en justice, l’employeur s’est engagé à verser une somme forfaitaire de 1 000 euros. En échange, le salarié devait tout simplement renoncer à toute action en justice. Deal accepté !
La transaction était censée clore le chapitre “litige”. Le salarié encaisse le chèque en avril 2017 et le contrat de travail suit son cours. Mais, coup de théâtre, quelques années plus tard, le salarié renouvelle sa démarche et dépose une nouvelle demande au conseil des prud’hommes. Cette fois, il s’agit de rappels de salaires : une nouvelle requête qui ne manque pas de faire réagir l’employeur, persuadé que le salarié ne pouvait plus intenter d’action en justice contre lui.
La transaction en entreprise signe-t-elle la fin de tout recours futur ?
Alors, lorsqu’une transaction est conclue, signe-t-elle la fin de tout recours en justice futur ? C’est la question qui se pose face à la nouvelle plainte du salarié. En signant la transaction, n’était-il pas supposé renoncer à tout recours contre l’employeur en matière de paiement de rappels de salaire, d’indemnités ou de remboursement de frais relatifs à son contrat de travail ?
C’est d’ailleurs ce qu’invoque l’employeur : la transaction de 2017, acceptée et signée par les deux parties ! Selon lui, le salarié avait renoncé à toute demande future relative au contrat de travail. C’est aussi l’avis de la cour d’appel qui déboute le salarié de sa demande et donne raison à l’employeur, considérant que la transaction signée en 2017 faisait obstacle à toute nouvelle demande liée au présent contrat de travail. Mais, la Cour de cassation n’est pas de cet avis et casse la décision de la cour d’appel.
La transaction se limite à son objet
Pour éclairer sa décision, la Cour de cassation s’appuie sur l’article 2048 du Code civil et sur le principe fondamental des transactions. Celles-ci ne couvrent que le litige expressément mentionné et se limitent à leur objet. En d’autres termes, la transaction signée en 2017 qui mettait fin au litige concernant les frais de repas, ne pouvait pas empêcher le salarié d’agir pour un conflit différent, survenant après la signature de l’accord. Un salarié peut donc renoncer à des demandes futures en cas de signature d’une transaction, mais uniquement dans le cadre du conflit spécifique mentionné dans l’accord. Selon l’article 2048 du Code civil, les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris. Dans cette affaire, l’accord portait sur les indemnités repas, et non sur les rappels de salaires dus pour une période postérieure. Ainsi, le salarié pouvait très bien intenter une action en justice pour des salaires impayés liés à une autre période.
La Cour de cassation souligne d’ailleurs l’omission de la cour d’appel quant à la vérification de certains éléments. Ici, une partie des sommes réclamées visent des rappels de salaire de 2017 et 2018, donc après l’encaissement du chèque relatif à la transaction. La cour d’appel aurait donc dû s’assurer que les demandes du salarié concernaient bien des périodes de travail postérieures à la transaction. C’est pourquoi la Cour de cassation renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel qui devra examiner la demande en tenant compte des limites de la transaction de 2017.
Bien que la transaction en entreprise soit un moyen efficace pour éviter les actions en justice des salariés, elle ne prive pas forcément le salarié de toute action ultérieure. La décision de la Cour de cassation du 16 octobre 2024 est claire à ce sujet. La transaction, même rédigée dans des termes très généraux, se limite à son objet et n’efface en aucun cas tous les litiges à venir entre employeurs et salariés.