Actions de préférence et droit au bénéfice

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Article mis à jour le 20 mars 2025

Si vous pensiez que toutes les actions se valent, détrompez-vous. Dans l’univers foisonnant du droit des sociétés, les actions de préférence constituent un outil de financement et de gouvernance particulièrement sophistiqué. Ces titres de capital offrent à leurs détenteurs des droits particuliers et des avantages spécifiques par rapport aux actions ordinaires.

Mon cabinet comptable accompagnant quotidiennement des PME et startups en pleine croissance, je constate à quel point ces instruments juridiques et financiers sont devenus incontournables dans la boîte à outils de l’entrepreneur moderne. Leur principal atout ? Une flexibilité remarquable permettant de répondre aux exigences souvent contradictoires des différentes parties prenantes d’une entreprise.

Les investisseurs, notamment les fonds d’investissement et business angels, sont particulièrement friands de ces titres qui leur permettent de sécuriser leur mise tout en bénéficiant d’avantages non négligeables : dividendes prioritaires, droits de vote renforcés ou au contraire limités selon les cas, liquidation préférentielle… De quoi rendre leur participation bien plus attractive qu’un simple ticket d’entrée au capital via des actions ordinaires.

Le cadre juridique encadrant ces actions n’a cessé d’évoluer. La loi PACTE de 2019 a marqué une étape importante en assouplissant considérablement le régime des actions de préférence. Plus récemment, la loi n° 2024-537 de juin 2024 est venue étendre les possibilités offertes par ces titres, notamment en matière de droits de vote multiple dans les sociétés cotées, jusqu’alors réservés aux sociétés non cotées. Une petite révolution qui mérite qu’on s’y attarde.

Les droits attachés aux actions de préférence

1. Les droits financiers

C’est probablement l’aspect le plus connu et le plus recherché des actions de préférence : les droits financiers renforcés qu’elles confèrent à leurs détenteurs.

Le dividende prioritaire et majoré constitue la pierre angulaire de ces avantages. Concrètement, les actionnaires de préférence peuvent se voir attribuer des dividendes avant les actionnaires ordinaires (priorité), et/ou pour un montant supérieur (majoration). Par exemple, les statuts peuvent prévoir qu’en cas de distribution, les porteurs d’actions de préférence recevront un dividende équivalent à 120 % du dividende versé aux actions ordinaires. Pratique pour séduire un investisseur.

L’accès prioritaire au boni de liquidation offre une protection supplémentaire en cas de dissolution de la société. Les porteurs d’actions de préférence peuvent ainsi être remboursés en priorité de leur apport, voire bénéficier d’une prime additionnelle, avant toute distribution aux actionnaires ordinaires. Un filet de sécurité particulièrement apprécié dans l’univers risqué des startups.

Attention toutefois aux restrictions imposées par le droit des sociétés : la clause léonine est formellement interdite. L’article 1844-1 du Code civil prohibe toute clause statutaire qui priverait totalement un associé de sa part dans les bénéfices ou qui l’exonérerait complètement des pertes. Les actions de préférence ne peuvent donc pas garantir un dividende fixe déconnecté des résultats de l’entreprise, ni assurer un remboursement intégral en cas de pertes.

2. Les droits de vote

Les actions de préférence offrent également une grande flexibilité en matière de droits politiques, permettant des ajustements fins dans la gouvernance d’entreprise.

La suppression ou suspension du droit de vote est une option fréquemment utilisée. Contrairement au principe « une action = une voix », les actions de préférence peuvent être privées de droit de vote, temporairement ou définitivement. Cette possibilité permet notamment au fondateur d’une startup de lever des fonds sans perdre le contrôle opérationnel de son entreprise. Néanmoins, la loi encadre strictement cette faculté : le nombre d’actions sans droit de vote ne peut excéder la moitié du capital social dans les SA et SCA (article L.228-11 du Code de commerce).

À l’inverse, le droit de vote multiple permet d’attribuer plusieurs voix à certaines actions. La réforme de 2024 a considérablement élargi cette possibilité, jusqu’alors réservée aux sociétés non cotées. Désormais, même les sociétés cotées peuvent émettre des actions à droit de vote multiple, dans la limite de dix voix par action, rejoignant ainsi la pratique d’autres pays européens. Le choix entre un droit de vote renforcé ou limité peut également impacter les stratégies de distribution des bénéfices. Si vous vous interrogez sur le meilleur équilibre entre rémunération et dividendes, notre article dédié vous apportera des éclairages concrets.

Il convient de noter que toute modification des droits attachés aux actions de préférence nécessite l’accord des actionnaires concernés. Une assemblée spéciale regroupant uniquement les titulaires d’actions de préférence doit approuver tout changement susceptible d’affecter leurs droits (article L.225-99 du Code de commerce).

Cadre juridique et évolutions récentes

Le régime juridique des actions de préférence a connu des évolutions significatives ces dernières années, témoignant d’une volonté du législateur d’assouplir le droit des sociétés français.

La loi PACTE de 2019 a marqué un tournant décisif en introduisant une flexibilité accrue pour les entreprises. Elle a notamment simplifié la procédure d’émission des actions de préférence et élargi la palette des droits particuliers pouvant être attachés à ces titres.

Plus récemment, la Loi n° 2024-537 de juin 2024 est venue compléter cet arsenal en étendant le mécanisme du vote multiple aux sociétés cotées. Cette réforme, inspirée du modèle américain et scandinave, vise à permettre aux fondateurs de conserver le contrôle de leur entreprise après une introduction en bourse, tout en encourageant une vision à long terme de la gestion d’entreprise.

La jurisprudence récente a également précisé certains contours du régime des actions de préférence. Un arrêt notable de la Cour de cassation du 10 juillet 2024 a rappelé que toute modification des droits attachés aux actions de préférence constitue une conversion de ces actions et nécessite l’accord des titulaires concernés.

Avant de vous lancer : les points clés à retenir

Les actions de préférence constituent un outil juridique et financier d’une grande flexibilité. Leur cadre légal, récemment modernisé, ouvre de nouvelles opportunités aux entreprises et aux investisseurs, tout en nécessitant une rigueur juridique accrue. Une veille constante et un accompagnement juridique adéquat sont indispensables pour les mettre en place efficacement et éviter tout risque de contentieux.

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